
Le Blues à la sauce anglaise … Tout un programme !
Ils fréquentaient les soldats des bases américaines pour leur extorquer les nouveautés … Ils allaient revoir vingt fois de suite « Jazz à Newport » parce qu’on y voyait fugitivement les mains de Chuck Berry jouer l’intro de « Johnny B.Goode » … Eux ? Les mods et les autres, les passionnés de blues et de rythm ‘n’ blues qui, dès 1962, écrivirent l’histoire du rock anglais.
Ce mouvement est née suite à une réaction à l’encontre du rock’n’roll blanc qui s’appauvrissait après le départ d’Elvis à l’armée, les difficultés des pionniers et l’amièvrissement de Cliff Richard et ses Shadows. Un noyau d’aspirants chanteurs et musiciens entourent Alexis Korner, père de ce mouvement : Long John Baldry, Paul Jones, Mick Jagger, Eric Burdon, les batteurs Charlie Watts et Ginger Baker, les bassistes Jack Bruce et Lee Jackson (futur Nice), l’organiste Graham Bond ou le multi-instrumentiste Brian Jones …
Contrairement à Liverpool où la Merseybeat l’emporte sur le blues grâce aux Beatles, Londres s’attache au sens osé et ambigu des paroles autant qu’au jeu monolithique des rythmiques et des glissandos de guitare électriques des musiciens de Chicago et du delta du Mississippi. Chacun essaie de son mieux de recréer le phrasé de son maître, son jeu de guitare ou d’harmonica ou simplement l’ambiance de son interprétation. Pour ne pas citer les Rolling Stones, ils ont pour maître Chuck Berry, Bo Diddley, Muddy Waters (à qui ils empruntent leur nom), Jimmy Reed, Slim Harpo. Le sommet de cet période blues s’établira lors de leur première tournée américaine de 1964, leur visite et les enregistrements effectués aux studios Chess de Chicago. Ils convient de souligner qu’ils obtiendront leur premier disque n° 1 en Angleterre en novembre 1964 avec une reprise d’Howlin Wolf signée par Willie Dixon, dans « Little Red Rooster » un style ralenti avec force glissandos de guitare bottle-neck dus à Brian Jones. Tout au long de leur carrière, les Stones glisseront au gré des albums un blues senti, que ce soit une reprise ou une composition propres.
Les Yardbirds comportent dans leur rangs le guitariste Eric Clapton. Leur style est très puriste, mené par la voix blanche et plate de Keith Relf (en opposition avec les voix caverneuses et graves des créateurs originaux). Ils accompagneront en tournée Sonny Boy Williamson II en 1964. Lorsqu’ils tourneront le dos au purisme pour faire une carrière plus commerciale, Eric Clapton les quittera pour laisser sa place au flamboyant Jeff Beck.
Dans les autres parties du pays, ça bouge aussi : les Animals d’ Eric Burdon sont entrain de bouleverser le nord de l’angleterre en brandissant les noms de Ray Charles et John Lee Hooker; les Thems s’insurgent en Irlande, menés par Van Morrison à grands coups de « Baby Please Don’t Go ».
Dès 1966, chose surprenante, le blues retourne aux États Unis. Mais les puristes résistent, menés par John Mayall qui a engagé Eric Clapton dans ses Bluesbreakers. Leur premier album ultrapuissant génère dès 1967 la vague du Blues Boom, beaucoup plus scolaire que la précédente. John Mayall sera le grand patron de cette seconde vague.
Sous l’influence des Cream (Eric Clapton), le durcissement du son se généralise. Jeff Beck qui vient de quitter les Yardbirds, monte le Jeff Beck Group. Si le répertoire est emprunté aux plus grands, le son est poussé à l’extrême, établissant les règles du hard rock naissant. Le guitariste qui l’a remplacé dans les Yardbirds, Jimmy Page fondera plus tard Led Zeppelin avec un répertoire très blues.
Sans le blues, le british beat et le hard rock auraient-ils existés ? On peut en douter.






